Rapport de course – GR10
Du 10 au 21 juillet 2025
900 km – 52 000 D+
Départ : Banyuls-sur-Mer, 5h00
J’ai démarré ma tentative de traversée du GR10 à 5h du matin, à Banyuls-sur-Mer. Objectif : relier Hendaye en suivant la trace complète du sentier, sans assistance, sans pacer, et dans le respect de l’éthique FKT. Ce fut un voyage de souffrance, de fatigue, de doutes, mais aussi de rencontres, de dépassement et de lucidité. Les Pyrénées catalanes m’ont accueilli avec une lumière incroyable, mais la suite s’est révélée plus rude que prévu.
Conditions générales
- Mode : sans assistance, sans pacer (une personne est venue courir sans que je le demande, je ne pouvais pas contrôler sa présence je n’ai rien anticipé, à 30 km de l’arrivée )
- Navigation : autonomie complète avec ma montre GPS et avec le balisage
- Ravitaillement : uniquement dans les commerces, refuges ou fontaines en libre accès, et villes
- Aide : uniquement via téléphone avec ma compagne Mathilde, un soutien précieux dans les moments critiques
- Logistique : aucun point de chute prédéfini, nuitées à la belle étoile, parfois dans des laveries, gîtes ou cabanes selon la météo et la fatigue
Points particuliers
1. Crash de balise entre Eylie-d’en-Haut et Bagnères-de-Luchon
Ma balise a cessé de fonctionner sur une portion clé du parcours. Par souci de transparence, je tiens à détailler ici ce qui s’est passé :
- J’ai atteint Eylie en fin d’après-midi, en souffrance au niveau des pieds. J’ai pris une douche dans un gîte, puis je suis reparti en direction de Fos.
- La trace m’a fait passer par le refuge de l’Étang d’Araing, puis le Col de la Serre d’Araing, où j’ai rencontré deux patous agressifs.
- Malgré la douleur, j’ai tenu à respecter ma feuille de route. J’ai atteint Fos dans la nuit, puis j’ai poursuivi jusqu’à Bagnères-de-Luchon, où j’ai pris un repas, acheté un nouveau t-shirt, une paire de chaussures et de chaussettes.
- N’ayant plus de montre ni de balise opérationnelle sur ce tronçon, je ne peux fournir le GPX correspondant, ce qui m’attriste mais je souhaite rester honnête.
2.Détour au niveau du col d’Aas de Bielle
Une bifurcation mineure au niveau du col d’Aas de Bielle s’est avérée plus complexe que prévu : j’ai emprunté une section de hors-sentier très difficile. Ce n’était pas un gain de temps, au contraire, avec la fatigue je me suis trompé de balisage. Mais cela m’a fait gagner aucun temps.
Faits marquants :
- Jour 1 : Coup de mou mental dès les premières heures. Un appel FaceTime avec des amis et ma copine m’a remotivé. Nuit courte derrière une salle municipale, rythmé par les aboiements de chiens errants.
- Jour 2 : Journée fluide, bonne gestion du rythme. Magnifique lever de soleil une sieste sur un rocher, c’était très agréable d’être près du canigou
- Jour 3 : Rencontre avec Vincent un ami qui faisait le gr10 lui aussi par hasard. Orage et pluie toute la journée. Premiers vrais signes de fatigue. J’ai eu peur.
- Jour 4 : Grosse erreur de gestion de l’eau. 10 heures sans ravitaillement. La cabane forestière de la Prunadière a été un vrai salut.
- Jour 5 : Pluie incessante. Journée très difficile. Diarrhée suite à de l’eau non filtrée.
- Jour 6 : Moral au plus bas. Balise et téléphone hors service. Avancée zombie jusqu’à Eylie, fos et luchon. Début de soins sérieux pour les pieds.
- Jour 7 : Tee-shirt utilisé comme papier toilette après diarrhée. Renouveau mental à Bagnères-de-Luchon après un festin bien mérité.
- Jour 8 : Fatigue mais bon état d’esprit. Je reste concentré sur le record. Les paysages deviennent grandioses.
- Jour 9 : Crise existentielle. Je continue non plus pour moi, mais pour ceux qui me soutiennent. Soutien moral de Mathilde déterminant.
- Jour 10 : Message vocal de mon frère, Baptiste, qui m’a redonné un peu de joie. Je me sens usé, amaigri, vidé, mais je tiens bon.
Anecdotes
- J’ai abandonné mon duvet deux jours avant l’arrivée pour gagner du poids.
- J’ai perdu plusieurs kilos.
- J’ai dû m’essuyer avec mon t-shirt, que j’ai ensuite déchiré.
- J’ai dormi derrière des salles municipales, dans des cabanes, parfois en plein air sous la pluie.
- J’ai trouvé de la lumière dans les appels, les voix de mes proches, les petits gestes à distance qui m’ont aidé à ne pas m’écrouler.
Cette traversée du GR10 n’était pas qu’un défi sportif. C’était une introspection, un test de résilience, une lutte contre l’abandon. Ce n’était pas glorieux tous les jours. Il y a eu des erreurs, des imprévus, des douleurs. Mais j’ai tout donné, honnêtement, sans tricher. Je suis fier de l’avoir mené jusqu’au bout, malgré la météo, les soucis de matériel, et mes propres failles.
Je remercie tous ceux qui m’ont soutenu de près ou de loin. Cette aventure m’a transformé.