Faut-il vivre pour courir ou courir pour vivre ? Vous avez 29h32 pour y réfléchir…
PS: vous verrez par ce qui suit que la version "Faut-il courir pour manger ou manger pour courir?" est tout aussi vraie.
D’abord, les remerciements :
Merci Matthieu et Carla. Sans vous deux, je n’aurais jamais fait la moitié du chemin. Vous m’avez poussé à aller chercher cette petite étincelle au fond de moi — quitte à l’allumer vous-mêmes quand il le fallait.
Merci Gwladys, la « petite main » débarquée dans le monde du trail, toujours heureuse de savourer l’instant présent et de faire en sorte que tout se passe bien.
Merci Pépito et Texas, ces deux lumières qui m’ont redonné le sourire (dans la tête plus que sur le visage) en pleine nuit, à un moment où même moi, je n’y croyais plus.
Le programme :
Le GR53, de Wissembourg au col de l’Engin (Bas-Rhin). Une petite balade de 170 km et 6 000 mètres de dénivelé positif, avec mon frère Matthieu. Même en voiture, ça serait fatiguant…
Un projet un peu fou à faire en famille, qui me trottait en tête depuis 5 ou 6 mois. Pour le préparer : des kilomètres, le plus possible, et quelques reconnaissances (30 % du parcours — ça m’a bien sauvé).
Le départ :
La tête pleine d’appréhension, face à 30 heures d’incertitude.
Notre stratégie : ne pas dépasser 130 bpm et ne jamais penser à la distance restante.
Et ça paie : les 80 premiers kilomètres sont presque trop faciles. Les paysages entre châteaux et sentiers de montagne sont splendides. L’assistance parfaite de Gwladys et Carla nous permet de ne penser qu’à avancer.
Km 90, mi-course :
La nuit tombe, les premiers doutes apparaissent. Quelques douleurs au ventre m’empêchent de manger et boire correctement.
Mais l’aboiement soudain d’un chien bien connu dans la nuit, suivi de l’arrivée de mes amis Marie et Pépito, me réchauffent le cœur.
On se remet en route, accompagnés de Carla (qui aura couru 30 km avec nous au total !).
Mais ça se complique vite : plus d’énergie, les jambes coupées par une belle hypoglycémie, et l’envie d’abandonner.
Arrivée à Saverne (km 105), 1h du matin. Voir mes amis là, pour moi, me remet un coup de boost.
Un gros plat de pâtes au beurre plus tard, on repart.
Mais quelques kilomètres plus loin, je sens que si je ne mange pas, l’hypoglycémie va revenir. Je tente un pâté en croûte… que je vomis aussitôt.
Plus d’eau (utilisée pour me rincer la bouche), plus de nourriture (je n’étais pas assez lucide pour en prendre avant), et un ravito qui saute à cause d’une route impraticable… Résultat : 3h à errer dans la montagne, vidé de mes forces.
Heureusement :
Carla et Pépito arrivent tels des secouristes avec de l’eau, de la nourriture, et surtout des mots d’encouragement. On parvient à rejoindre le ravito suivant (km 120).
Mais là, plus aucune envie. Je prononce LA phrase interdite :
« J’ai envie d’abandonner. »
Matthieu me conseille de dormir 20 minutes pendant qu’il prépare une soupe.
Au réveil, je remets mes chaussures, prêt à faire 10 mètres, juste pour prouver que j’ai tout donné… et m’arrêter.
Mais à ma grande surprise, je parviens à recourir. L’aube se lève, les galères s’éloignent.
On repart, laissant les copains dormir un peu. Et là, j’en suis sûr : je vais finir. Il reste plus de 10h, mais j’en suis convaincu.
Les kilomètres défilent, je me sens de mieux en mieux.
On termine même la dernière montée à bloc, pour aller chercher ce chrono sous les 30 heures.
29h32.
170km.
6 000m d+.
Fastest known time.
Fier de moi, de nous, de tout ça.